Des flottes de véhicules à hydrogène
Isabelle Delannoy
Selon l’ADEME, le secteur des transports représente 1/3 de l’énergie consommée en France. Il est également le principal émetteur de C02, avec 39 % des émissions totales de GES (hors UTCF - Utilisation des terres, leurs changements et la forêt).
Décarboner la mobilité par la production d’hydrogène à partir des énergies renouvelables et développer et diversifier les usages de l’hydrogène et d’autres gaz produits par électrolyse constitue donc un véritable enjeu en termes écologiques.
Vers une économie écologique, créatrice de valeurs et régénératrice.
Isabelle Delannoy
MON IDEE
Le projet vise à créer un écosystème autour de l’hydrogène pour proposer de la mobilité décarbonée pour tous, grâce à une voiture hybride solaire, en produisant de l’hydrogène sur les territoires à partir des énergies renouvelables. Une action est actuellement menée en ce sens à Redon.
La production d’hydrogène se fait par électrolyse à partir d’eaux usées. Le système permet de produire de l’hydrogène à bas coût et grâce à des batteries efficientes, d’offrir de la mobilité par autopartage à un marché d’usagers normalement captifs et contraints, notamment les personnes âgées (dépendantes aux transports, dans l’incapacité d’acheter un véhicule).
Précisons au passage qu’il semblerait que d’autres applications de l’électrolyse soient possibles telles que le nettoyage des plages bretonnes envahies par les algues vertes dégageant de l’hydrogène sulfuré très nocif par injection d’oxygène (H2 + O donne H20 = eau) ou l’injection d’oxygène, produit résiduel de la production d’H2, dans des serres symbiotiques.
Les objectifs, bénéfices et résultats attendus de l’action menée à Redon sont de natures diverses :
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Techniques : par le développement d’une nouvelle voiture hybride (solaire / hydrogène), ultra légère (500kg), lui permettant de rouler de 500 à 800 km avec un kilogramme d’hydrogène
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Énergétiques : en permettant aux collectivités de produire l’hydrogène à partir des énergies renouvelables, en grande quantité à partir de 100kg/jour, pour des usages dans la mobilité (bus, car, micro-mobilité…), dans l’habitat ou dans l’industrie
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Environnementaux : en permettant le stockage de l'électricité produite par les énergies renouvelables sous forme d'hydrogène
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Sociaux : en garantissant l’implication des usagers par la création de Sociétés d'Économie Mixte (SEM) sur tous les territoires, pour que tous accèdent aux bénéfices: les collectivités, les syndicats d’énergies, les industriels, les commerçants, les artisans mais aussi les citoyens voulant profiter du service de mobilité
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Industriels : En industrialisant toute la chaîne de valeur sur les territoires, de l’assemblage à la maintenance des voitures mais aussi via l'accueil d’usines de production, pour les réservoirs, les têtes de réservoirs et les électrolyseurs
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Commerciaux : en proposant des solutions (électrolyseurs, tête de réservoir, cartouche, réservoir, gestion de l’énergie dans les véhicules) pouvant être adaptées à tous types de véhicules (voiture, camion, bateau, drone, avion) mais aussi pour l’habitat, le monde agricole, le secteur de la défense). La plateforme internet ainsi que la solution de monétisation est applicable à tous les marchés
QUI EST CONCERNE ?
Les collectivités locales souhaitant mener une expérimentation comme celle menée à Redon.
Les habitants de ces collectivités, tant pour convaincre leurs élus de s’engager dans ce type de démarche que pour leurs usages propres de mobilités locales ou d’habitat.
Les investisseurs souhaitant participer au financement de tels expérimentations.
Les agriculteurs pour utiliser les produits résiduels de l’électrolyse de l’eau (ex : oxygène) pour leurs activités agricoles.
COMMENT CA FONCTIONNE ?
En préambule, il est nécessaire de préciser que si l’on se base sur un modèle dans lequel la propriété est le paramètre de base, celui-ci va engendrer un coût élevé de la solution proposée. Par contre si l’on bascule vers la vente de l’usage (covoiturage, mutualisation de la flotte, etc.) alors les coûts chutent drastiquement et la solution devient économiquement viable.
Le coût de développement de ce projet est évalué à 4,5 M€ par écosystème (pour un électrolyseur de 100 Kg/jour et une flotte de 50 véhicules). La SEM achète l’électrolyseur et les voitures. Le coût du trajet varie de 50 à 80 centimes par km.
La réussite d’un tel projet et son déploiement à grande échelle tiennent à plusieurs facteurs, notamment :
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partir d’un besoin social, notamment l’existence d’un marché captif
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impliquer et permettre à toutes les parties prenantes de participer (usagers, producteurs, collectivité ) à travers une structure de gouvernance adéquate type coopératives ou société d’économie mixte
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penser écosystèmes et synergies, par exemple sur la façon d’optimiser l’utilisation des intrants (énergie, eau, etc.) et extrants / résidus de la production (gaz résiduels, chaleur dégagée, etc.) ou encore sur la question de la diversification des usages et applications possibles de la technologie développée.
Des contraintes existent néanmoins et il faut les prendre en compte dans la mise en œuvre d’un tel projet :
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c’est une technologie dont le développement nécessite un apport de capital conséquent au départ et un savoir-faire rare
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c’est aussi une technologie qui dépend encore en partie de l’extraction.
LES RAISONS D'Y CROIRE
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Le projet existe déjà et est porté par H2X-Systems, une entreprise implantée dans la région Grand Ouest qui vise à créer un écosystème pour offrir une solution de mobilité pour tous grâce à une voiture hybride solaire / hydrogène.
Le projet porte d’une part sur la production d’hydrogène sur les territoires notamment urbains, avec des électrolyseurs à partir d’eaux usées et d’autre part, sur la production d’une voiture hybride solaire/hydrogène avec un châssis en composite.
En parallèle, H2X-Systems développe un kit hydrogène pour tout type de véhicule.
Une antenne (SPV – Special Purpose Vehicle) sera créée qui vendra les produits de l’électrolyseur et opérera la flotte de voitures en offrant des services de mobilité pour tous, avec des voitures en « free floating » (c’est-à-dire en accès libre), ou avec des chauffeurs.
En complément de solutions de services pour la mobilité des personnes, le projet vise à s’inscrire dans le tissu économique du territoire en offrant des solutions de supply-chain pour tous les acteurs potentiels.
Les voitures sont assemblées sur le territoire, grâce à la technologie de châssis développée par une autre entreprise : Gazelle Tech.
Des prototypes ont déjà vu le jour et un contrat est déjà signé avec l’agglomération de Redon. Le projet est par ailleurs soutenu par différents incubateurs (ID4CAR, Smartgrids).
D’ici 2023, H2X-Systems produira 100 véhicules à hydrogène par an à Redon. D’ici 2029, ce sont une cinquantaine d’emplois qui seraient créés.
POUR ALLER PLUS LOIN
Ce qu’il reste à faire pour déployer et généraliser cette expérience au-delà du périmètre de la ville de Redon :
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Développer des indicateurs pour crédibiliser l’intention et l’action et démontrer que parce que “je consomme, je produis et régénère”, ce qui peut sembler difficile à concevoir au premier abord et par rapport à nos modes de fonctionnement actuels
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Développer la recherche-action et des démonstrateurs dans les différents secteurs essentiels de la vie quotidienne & symboliques de notre modernité, notamment la mobilité (mais aussi alimentation, habillement, biens d’équipement, numérique, électroménager) pour montrer qu’il est possible de faire autrement et rassurer les investisseurs
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Produire la documentation nécessaire pour faire d’une expérience unique une expérience réplicable
Ces trois points constituent les priorités de recherche et d’action de la Chaire partenariale d’Économie Symbiotique des Territoires fondée par Isabelle Delannoy au CNAM. Un ‘search & do’ lab doit voir le jour et offrir un endroit où mettre à disposition et produire les outils financiers et méthodologiques nécessaires à l’avancée des actions et offrir une communauté de savoirs multidisciplinaires permettant de nourrir et développer des projets en accord avec les principes directeurs de l’économie symbiotique.
Contacts
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Stéphane Paul, le fondateur d’H2X Systems
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Jean-François Mary, président de l’agglomération de Redon
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Isabelle Delannoy
BIO
De formation ingénieure agronome, Isabelle DELANNOY s'est spécialisée depuis 20 ans dans le développement durable. Nourrie par ses recherches et par la fertilité de son réseau, elle apporte une vision : celle d’un monde où la technologie est mise au service de l’intelligence du vivant, et où l’homme peut être le co-constructeur des équilibres planétaires. C’est l’économie symbiotique : un modèle économique régénératif pour les écosystèmes, l’économie et la société humaine qu'elle décrit dans son livre L'économie symbiotique en 2017. Elle a également été coscénariste du film Home, réalisé par Yann Arthus-Bertrand.